LA CORRESPONDANCE ULTIME AVEC L'INSTINCT DU BISON

LE BISON TRAVAILLE POUR NOUS

Il est très facile de faire travailler le bison pour nous si nous lui donnons l’opportunité de développer des habitudes qui répondent à nos besoins et qui correspondent à son instinct.

Depuis 1978, j’ai fait le tour de l’Amérique, visité et étudié une centaine de systèmes de contention; j’ai facilement conclu que chaque ranch possédait son propre système, en général différent de celui des autres, mais toujours avec la même façon de faire, celui de pousser les bisons dans de longs entonnoirs avec chevaux, tracteurs, quads, motoneiges, etc., ce qui est totalement contraire à l’instinct du bison.

Cette façon d’opérer stresse énormément l’animal et l’empêche de collaborer. Souvent, procéder ainsi occasionne de graves blessures pouvant s’avérer mortelles.

Je ne prétends pas détenir le monopole de la vérité. Je vous présente mon approche,  basée sur l’observation et l’expérience du comportement du bison. Souvenez-vous qu’un bison va toujours vouloir sortir par où il est entré.

À titre d’exemple, en 1984, j’ai acheté d’un contracteur forestier un petit troupeau de 10 bisons, pour la somme de 15 000 $. Dans mon esprit, il était très simple de les charger, mais le vendeur refusait de me croire. Il me demandait l’équivalent de renverser le courant du fleuve Mississippi vers le Minnesota du Nord, sa source. Voici un schéma :

En partant du pâturage, par habitude, les bisons traversaient l’enclos « B » pour se rendre boire et manger à l’enclos « A ». Au retour, ils empruntaient le trajet inverse.

Le vendeur a placé la remorque à la sortie de l’enclos « A », adonnant sur la route, alors que les bisons n’étaient jamais passés par là. Avec autant de machines que de bisons, pendant 3 heures, ses hommes ont essayé de les pousser dans la remorque. Ce fut peine perdue.

Je lui avais demandé que la remorque soit placée plutôt à la sortie de l’enclos « B », celle qui adonnait sur le pâturage. J’ai dû élever le ton, car il ne voulait rien savoir. Misant sur mon intuition, j’ai pris le risque d’un « quitte ou double » : Advenant que ma proposition ne fonctionnait pas, je lui payerais 30 000 $. À l’inverse, si elle fonctionnait, je ne payerais rien. En deux minutes les bisons étaient dans la remorque. Après tout, c’était leur trajet habituel.

J’ai donc gagné mon pari, ainsi que 15 000 $! Mon risque a permis des économies de plusieurs 15 000 $ aux éleveurs qui ont bien voulu me croire, même si je ne possédais pas de diplôme. Voilà qui confirmait ma conviction : « Un bison sort toujours par où il est entré ».

Si vous voulez élever des chevaux, vous allez d’abord bâtir une écurie avant de les recevoir. Il en va de même pour des poules, des porcs, des vaches ou des moutons, c’est-à-dire que vous allez ériger poulailler, porcherie, vacherie ou bergerie avant l’arrivée de vos animaux. Ce genre d’élevages bénéficie de plans éprouvés et reconnus. Il devrait en être ainsi pour les éleveurs de bisons; malheureusement, ce n’est pas le cas.

Peu importe l’ampleur de votre troupeau, votre corral (handling system) devrait être érigé avant l’arrivée de votre premier bison. Ce corral, si minime soit-il, doit contenir toutes les nécessités requises pour manœuvrer le bison en toute sécurité, autant pour lui que pour le travailleur.

Vous élevez des bêtes de prestige, il serait donc souhaitable que les installations soient à la hauteur. Que voulez-vous que les gens retiennent de leur visite à votre ranch? Vous seul possédez la réponse. Le corral que vous érigerez reflètera votre degré de respect envers vos animaux.

Voici les principales questions auxquelles vous devriez répondre avant de débuter la construction de votre corral :

A. Où sera érigé le corral?
B. Sera-t-il visible de la route?
C. Quelle orientation par rapport au soleil, lors de l’utilisation?
D. Sera-t-il d’accès facile en provenance de tous les pâturages?
E. Sera-t-il facile d’accès au transporteur, peu importe la température?
F. Sera-t-il facile d’y amener l’eau et l’électricité?
G. Sera-t-il facile de drainer le terrain, autant pour le confort du bison que du travailleur?
H. Sera-t-il facile de le nettoyer après chaque usage?
I. Est-ce que je prévois un plan global avec construction par étape, avec possibilité d’ajouts suivant l’évolution du troupeau?
J. Quelle sera la longévité de ce corral?
K. Est-ce que le corral répond à 100 % au code de bien-être pour le bison.

La suite de la présentation satisfait tous ces critères.

Votre corral sera donc situé dans un endroit stratégique, non visible de la route, pour éviter que d’éventuels curieux ne s’y arrêtent. Ceci, afin d’éviter que ces derniers soient traumatisés par ce qu’ils pourraient voir. De plus, le corral devra permettre aux animaux en provenance de tous les pâturages, peu importe lequel, d’y accéder aisément. Tous les transporteurs devront pouvoir s’y rendre sans problème. Enfin, le corral devra être approvisionné en eau (boyau de 2 pouces) et en électricité.

Le concept proposé doit intégrer sans compromis toutes les composantes nécessaires suivantes, si minimes soient-elles (la numérotation de chacun des éléments correspond à celle du schéma) :

1. Pâturage
2. Le Key Stone Alley
3. Parc de rassemblement
4. Enclos d’attente (à l’intérieur du Key Stone Alley)
5. Les barrières (dans le Key Stone Alley)
6. Déflecteur dans le Key Stone Alley
7. Corridor d’approche
8. Polygone
Le polygone peut être converti en forme de fer à cheval, en enlevant deux logettes (8a).
9. Logettes entre le polygone et la jonction
10. Jonction (à l’entrée de la cage)
11. Cage de contention (Squeeze) et, en dessous, la balance (scale) (11a)
12. Cabanon
13. Centre de tri (sortie de la squeeze)
14. Parcs de retour
15. Abreuvoir (pour deux parcs)
16. Rampe de chargement ajustable
17. Corridor périphérique
18. Feeder de foin, de sels et de minéraux
19. Working Alley
20. Porte communicante d’un parc à l’autre

Avec ce concept, des modules peuvent s’ajouter à mesure que le troupeau grandit, pourvu que l’on ait bien planifié le tout dès le départ.

Afin de limiter au maximum le stress, les blessures et les décès accidentels des bisons, ainsi que pour assurer leur bien-être, il est primordial de mentionner les points incontournables suivants :

L. Acquérir un savoir-faire adapté à l’instinct du bison
M. Agir avec calme
N. Travailler en silence
O. S’abstenir de fumer
P. Toujours marcher lentement
Q. Ne faire aucun mouvement brusque
R. Travailler à la même hauteur que le bison
S. Travailler d’un seul côté
T. N’admettez aucun visiteur
U. Ne jamais frapper l’animal
V. Avoir un maximum de 5 opérateurs, chacun ayant une fonction précise, sans se nuire entre eux
W. Retenir le bison dans la squeeze, une minute maximum
X. Se souvenir que le bison collabore difficilement par temps très chauds ou très froids

Le moment est venu de vous expliquer la nécessité et la fonction de chacune de ces composantes. L’objectif est de faire en sorte que le bison « travaille » pour nous; autrement dit, obtenir son entière collaboration.

 

Pâturage (no 1) – Key Stone Alley (no 2) – Parc de rassemblement (no 3)  – Enclos d’attente (no 4)   – Les barrières (no 5)  – Déflecteur dans le Key Stone Alley (no 6)  – Corridor d’approche (no 7)

La clé maîtresse du corral, c’est le corridor en zigzag (no 2), appelé le Key Stone Alley. Nous devons habituer le troupeau à y circuler assez régulièrement pour aller se nourrir ou s’abreuver dans les parcs de rassemblement (no 3).

Lorsque viendra le temps du « round up », on coupera les vivres dans les pâturages (no1). Les bisons passeront calmement par ce corridor (no 2), parce qu’ils sont déjà habitués à se diriger vers les parcs de rassemblement (no 3). Les premières fois, l’idéal c’est de les laisser circuler pendant au moins une semaine afin que ce déplacement devienne instinctif.

La veille de l’opération (prophylaxie), on les confine par groupe d’environ 50 dans chacun des parcs de rassemblement (no 3), au fur et à mesure de leur entrée. Le matin du « round up », on ferme la dernière porte du « Key Stone Alley » (no 5 a) puis on ouvre la porte d’un parc de rassemblement (no 3) et les bisons, d’eux-mêmes, vont sortir lentement en se dirigeant dans le Key Stone Alley (no 2). Arrivés à l’extrémité du Key Stone Alley (no 2), la porte (5 a) étant fermée, ils rebroussent chemin pour revenir vers leur parc de rassemblement (no 3) respectif, d’où ils venaient.

Dans leur trajet de retour, on les sépare par petits groupes avec les barrières (no 5) dans les enclos d’attente (no 4), situées à dans le Key Stone Alley (no 2). À l’autre bout de ce dernier, on ferme une porte appelée déflecteur (no 6), qui les dirige dans le corridor d’approche (no 7), les conduisant au polygone (no 8) et aux logettes rectilignes (no 9).

 

Polygone (no 8) – La section rectiligne (no 9)

Le polygone (no 8) n’est pas requis pour un troupeau inférieur à 200 femelles. Il se compose de 12 logettes et peut être converti en forme de « fer à cheval », en enlevant les deux logettes (no 8 a) qui sont situées entre l’entrée et la sortie. On pourrait également, pour un petit troupeau, de pas avoir de polygone (no 8), et alors, le bison passerait directement du Key  Stone Alley (no 2) à la section rectiligne (no 9). Il suffit d’ouvrir la porte pour que le bison entre de lui-même dans ces logettes, parce que la visibilité y est à son meilleure.

Le polygone (no 8) et la section rectiligne (no 9) contiennent une série de logettes, pouvant chacune contenir de 5 à 8 bisons. Ceux-ci étant compactés, ils ne peuvent donc pas s’entrecorner et ils sont beaucoup moins stressés, du fait d’être en groupe.

 

Jonction (no 10) – Cage de contention et la balance (no 11)

La dernière logette servira à séparer individuellement les bisons avant leur entrée dans la squeeze (no 11), par l’intermédiaire de la jonction (no 10). Cette dernière est un corridor de 9 pieds de long, dont l’un des côtés pivote pour faciliter l’entrée du bison dans la cage de contention.

La balance (no 11 a) est sous la cage de contention et le moniteur, dans le cabanon (no 12).

Si l’opération est bien planifiée, le bison ne passera pas plus d’une minute dans la squeeze (no 11).

 

Cabanon (no 12)

Le cabanon (no 12) inclut une porte, deux fenêtres, ainsi qu’un tiroir sous chacune de ces dernières, lesquelles s’ouvrent autant de l’extérieur que de l’intérieur. Cette disposition permet de transférer les seringues, tags, produits, etc., sans être obligé d’entrer ou de sortir. Le cabanon doit être approvisionné en électricité, pour le chauffage, l’éclairage, l’Internet, etc. Il se situe dans le Working Alley (no 19) à une dizaine de pieds de la cage de contention (no 11).

Centre de tri (no 13) – Parcs de retour (no 14)

À la sortie de la squeeze (no 11), le bison se dirigera vers le centre de tri (no 13). C’est à cet endroit que l’on décidera où le diriger : soit dans l’un des parcs de retour (no 14) (minimum 4 parcs de retour), soit directement au pâturage (no 1) et/ou enfin, au chargement (no 16).

 

Abreuvoir (no 15) – Feeder de foin, de sels et de minéraux (no 18)

Chacun des parcs de rassemblement et de retour (nos 3 et 14) est muni d’un abreuvoir chauffant (no 15) pour les régions nordiques, lequel dessert deux parcs à la fois. Chacun de ces parcs est également équipé d’un feeder à foin, de sels et minéraux.

 

Rampe de chargement ajustable (no 16)

 

La montée pour les camions ou remorques est ajustable (no 16) en hauteur. Les portes d’accès au corral (no 16 a), pour le camion, seront fermées avant le début du chargement. Ainsi, advenant qu’un bison s’échappe, il resterait quand même à l’intérieur du corral.

 

Corridor périphérique (no 17)

Ce corridor permet aux bisons, peu importe le pâturage d’où ils proviennent, de se diriger obligatoirement vers l’entrée du Key Stone Alley (no 2) par lequel il passe pour s’introduire dans les parcs de rassemblement (no 3).

De plus, ce corridor permet au propriétaire d’y circuler pour aller nourrir les bisons et nettoyer les espaces après leur passage. Ce corridor devra avoir un minimum de 32 pieds de large.

 

Working Alley (no 19)

 

Le Working Alley (no 19) est un endroit sécuritaire pour les travailleurs, où tous les accessoires demeurent à portée de mains sans jamais être en contact avec les animaux.

 

 

Porte communicante d’un parc à l’autre (no 20)

Chaque parc est doté d’une porte qui communique avec le parc attenant.

 

Chacune des composantes énumérées est aussi nécessaire pour le bison que pour vous.

Il n’est jamais requis de pousser les bisons avec quelque machinerie que ce soit. Ces bêtes se sont créé une habitude, qui nous sera utile pour la vie.

Espérant que cet article vous sera utile pour le futur.